« Auprès de mon arbre je vivais heureux, j’aurais jamais dĂ» le quitter des yeux » : tout est dit dans cette chanson populaire de Georges Brassens, ou presque.
Alors qu’un administré sollicite l’abattage d’un arbre qui gênerait l’accès à l’entretien d’une parcelle de ses propriétés, d’autres, 22 signataires d’une pétition, souhaitent le conserver et, au mieux, le faire élaguer. Il fallait confronter les points de vue, dans le bureau du maire, en toute quiétude.
Chacun a pu s’exprimer, et le dialogue, quoique traversé par quelques vieilles querelles de voisinage, s’est déroulé en bonne intelligence.
Dans sa cĂ©lèbre chanson, Georges Brassens humanise son arbre : c’est un copain, un autre lui-mĂŞme. Il le traite de vieille branche comme on parle d’un ami fidèle, qui partage nos joies et nos peines. Il l’a pourtant quittĂ© brutalement : « j’ai plaquĂ© mon chĂŞne, comme un saligaud », comme on plaque un conjoint ou un ami intime…
Le tribunal citoyen a pesé les arguments des uns et des autres. Ainsi, tel le chanteur-poète, qui est un tendre, un homme d’espérance ; quand tout est perdu, il reste encore l’espoir : malgré sa vie dure et sa fin tragique, notre arbre peut encore prétendre au bonheur, au Paradis… L’occasion pour Brassens d’un petit pied de nez anticlérical !
Mais si le poète a toujours – ou presque – raison, les ressorts de la vie commune des Chanceladais se révèlent parfois difficilement conciliables.
Des débats nourris, il est ainsi apparu que notre arbre demandait un sursis, conditionné par un tout autre problème : la largeur trop étroite du chemin qu’il borde. Une question sans réponse immédiate, mais qui sauve, pour l’heure, notre arbre, satisfait les pétitionnaires et donne au demandeur le temps d’y répondre.
Au pied de mon arbre, les palabres continueront, cette fois avec le mĂŞme souci du bien commun.

Pascal Serre