Chloé Gabrielli : avec de l’amour et de l’eau fraîche
C’était presque une veillée au coin du feu, celles de jadis et que les plus jeunes ne connaissent plus. Le temps incertain avait judicieusement invité les organisateurs à investir l’intérieur même de la Maison Marquet ; deux salons aménagés dans l’ambiance surannée d’un passé brusquement réveillé, avec ses antiques meubles en bois, son décor dépoussiéré pour la circonstance, sa cheminée, une trentaine de chaises et un éclairage tamisé pour créer un moelleux atmosphère. Le vieux cèdre, dans le parc, boudinait sur cette circonstance qui le privait du spectacle.
C’est par la porte reliant les salons aux cuisines que Chloé Gabrielli faisait son entrée, avec une longue robe noire parcheminée de fleurs rouges et de visages mystérieux, sa coupe de cheveux à la garçonne, ses yeux aussi malicieux que déterminés et un sourire aux promesses aussi tendre que résolues.
A travers les âges et les cultures, dans tous les pays à travers le monde, depuis Shéhérazade, les femmes ont toujours su user de la parole pour se faire douces ou convaincantes, tendres et rassurantes, inventives et malicieuses. Et à la fin, elles auront le dernier mot… voilà ce à quoi invite cette conteuse native du Lyonnais et désormais installée en Ardèche.
Chloé Gabrielli ne donne pas un spectacle ; elle s’invite dans nos propres imaginaires et ses personnages, ses situations sont autant d’appels à vivre l’universalité des récits transmis de génération en génération et qu’elle accommode à notre temps. Il y a de vieilles femmes et de jeunes hommes, des ogres et des sorcières, des pierre branlantes et des étoiles égarées dans les forêts. Il y a de l’amour avec son versant heureux et moins heureux mais, au final, toujours immense source de richesses.
Le conte ? « C’est faire jouer avec les mots pour se dire, pour être au monde, pour se relier aux autres » dit-elle. C’est effectivement une complicité qui, progressivement, se noue entre elle et le public.
La conteuse pétillante et savoureuse conquiert ainsi son public : « En marchant, j’ai ramassé des histoires dans les fossés des chemins, dans les yeux des habitants, dans les rires des vieilles dames. J’ai amassé des mots qui s’envolent, des graines de temps, des pépins d’émotions, des noyaux d’humour… Au retour, dans mon champ, j’ai planté, j’ai arrosé avec de l’amour, de l’eau fraîche…»
Fort heureusement pour notre vieux cèdre qui ne cessait de boudiner et son théâtre de verdure, et pour le plus grand plaisir des participants, chacun se retrouva sous les éclairages féériques autour du verre de l’amitié préparé par le Comité des fêtes.
Le festival « Les conteurs sous les étoiles » est-il entré dans la vie Chanceladaise ? Si les quatre spectacles furent de grande qualité et fort divers dans leurs contenus et expressions, la fréquentation ne fut pas franchement au rendez-vous ; une cinquantaine de spectateurs au plus fort. Mais, peut-on imaginer une soirée « contes » avec mille spectateurs ? Pas vraiment. Les lieux – la Maison Marquet – appellent à des rencontres intimes et des spectacles qui favorisent l’échange ; c’est ce qui a conditionné le choix de la place accordé aux contes. Daniel, Olivier, Koldo et Chloé, les quatres conteurs de cet essai, ont été ému par les lieux. Tous souhaitent revenir, avec de nouveaux contes, de nouvelles rencontres. Tout au long de cette nouvelle année déconfinée, ils font faire connaître à travers leurs spectacles Chancelade et sa Maison Marquet. C’était là un des objectifs des organisateurs : faire connaître Chancelade.