Histoires de « coin »
L’écrivain et poète Jean Giono disait que pour être du coin il fallait avoir un grand-parent au cimetière et un enfant à l’école du village. C’est ce que me rappelait Pierre Bonte l’ancien animateur d’Europe 1 lors de son dernier passage à Sorges en Périgord. Pour ma part, tous mes défunts familiaux sont au cimetière de Chancelade, mais je suis trop âgé pour avoir un enfant à l’école. Ne suis-je donc pas totalement du « coin » ? Et que dois-je penser des six ou sept cents futurs habitants attendus sur la commune dans la prochaine décennie ? Seront-ils chanceladais à part entière ?
Déjà, il faut l’entendre, la vie communale reste souvent repliée sur elle-même, cadenassée par ses histoires familiales et ses repères du temps passé. C’est ainsi, plus particulièrement, que Chancelade est devenue un grand dortoir où les plus jeunes et les actifs s’échappent au petit matin pour y retourner à la nuit tombée.
Avec ses dix hameaux et quartiers, Chancelade est un archipel entre discrétion familiale et isolement social
Chercuzac, avec ses projets d’aménagement, et appelé à devenir un quartier urbain avec son espace préservé du Chambon à vocation environnementale, touristique et agricole
Il faut entendre les néo-chanceladais souligner qu’ils ont eu le sentiment d’avoir été accueilli comme des « estrangièrs »… ne pas avoir les codes pour comprendre et participer à la vie locale, donc se replier dans leur jardin, un peu frustrés.
C’est vrai qu’être du « coin » se mérite. On ne rentre pas par effraction chez les autres. Il faut avoir lu « Le Petit Prince » de Antoine de Saint-Exupéry pour aborder le « coin ».
Chaque village français est avant tout un village gaulois. C’est un des charmes des vieilles provinces soumises aux conservatismes par crainte du futur et surtout du différent. Et on voit où cela peut mener dans les projets de société avancés par certains candidats à la magistrature présidentielle. Je n’en dirai pas davantage.
La municipalité de Chancelade a mesuré les enjeux de son développement en termes de nouvelles populations ; elle a mis en œuvre le plan Chancelade 2030 afin de constituer un socle d’accueil qui préserve l’identité du « coin » tout en s’ouvrant au monde. Ce n’est pas là le moindre de ses défis, et pas le plus facile car il y va de l’équilibre de tous, ceux du « coin » et ceux qui aspirent à partager un destin commun.